APELA

Association Pour l'Étude des Littératures Africaines

Futurs africains

La journée d’études « Futurs africains », organisée par Ninon Chavoz et Anthony Mangeon se tient à Paris, à la Maison de la Recherche de la rue des Irlandais (5e arrondissement), le 16 novembre 2022. 

Elle sera couplée au numéro 54 de Etudes Littéraires Africaines.

Futurs africains. Utopies, dystopies et fictions postapocalyptiques.

Depuis une quinzaine d’années, il ne se passe plus un mois sans un article, dossier de presse, numéro de revue, volume collectif, rapport de prospective, essai consacré à l’Afrique en devenir et à sa place majeure dans le futur de l’humanité. De fait, les croissances démographiques et économiques sont aujourd’hui si spectaculaires sur ce continent que la question des futurs africains est devenue un enjeu géopolitique et écologique majeur, abordé comme tel dans une très grande variété de discours spécialisés. La production est tout aussi abondante dans les arts et la littérature, où l’on peut constater une incroyable profusion d’œuvres graphiques, plastiques, romanesques et cinématographiques imaginant le devenir des Africains sur notre planète, voire dans des mondes intergalactiques lointains. Les anthologies, les projections et les expositions se multiplient à leur tour – la dernière en date, à Nantes, s’intitulait « l’Université des futurs africains » – tandis que sur la toile prolifèrent les sites, blogs et autres podcasts d’artistes ou de critiques dédiés aux ramifications de l’afro-futurisme dans le monde ou à l’émergence de la science-fiction en Afrique. Dans ce dernier domaine de création, les plus prestigieuses distinctions sont allées, ces dernières années, à des écrivaines (Lauren Beukes, Nnedi Okorafor, Nora Jemisin, Namwali Serpell) qui, dans leurs fictions d’anticipation ou de fantaisie, mettaient en scène des Afriques à venir.

Économistes, historiens, philosophes, romanciers et artistes ont ainsi développé des manières innovantes de mettre en scène et raconter les futurs africains, qui suscitent des utopies et des dystopies, selon que prévalent les vues afro-optimistes ou, au contraire, afro-pessimistes.

En proposant d’étudier, dans les fictions du futur africain, cette dialectique entre utopie et dystopie ou plus précisément, entre Afrotopia et Afrodystopie, pour reprendre à deux penseurs africains, Felwine Sarr et Joseph Tonda, les concepts et les titres de leurs essais respectifs[1], nous visons trois objectifs complémentaires.

 

  • Il s’agira, tout d’abord, d’expliciter le rapport entre utopisme et colonialisme d’une part, et d’autre part entre utopie et « rétrovolution » ou « rétrotopie », au sens que l’anthropologue Jean-Loup Amselle et le sociologue Zygmunt Bauman ont prêté à ces néologismes qu’ils ont respectivement forgés pour désigner une semblable propension à idéaliser le passé à partir d’un présent conçu en termes essentiellement dysphoriques et nostalgiques[2].
  • Nous pourrons explorer, parallèlement, les multiples variations africaines sur la dystopie.
  • Nous pourrons aborder, enfin, les modes et les effets des fictions d’apocalypse qui, ainsi que l’a montré dans un autre contexte le critique Jean-Paul Engélibert, fabulent la fin du monde pour « tenter de la conjurer et ainsi rouvrir le temps », en pensant désormais l’histoire non plus depuis un passé qu’il s’agit de ressusciter, mais « depuis la fin qu’il s’agit d’éviter[3]».

Sommaire prévisionnel :

 

  • Introduction par Ninon Chavoz et Anthony Mangeon
  • Elara Bertho (CNRS) : sur les fictions de Nnedi Okorafor (Qui a peur de la mort ?; Kabu, Kabu ; ou la trilogie Binti).
  • Céline Gahungu (Sorbonne-Nouvelle) : « Illuminations, oracles et prophéties. Les apocalypses de Yambo Ouologuem et Sony Labou Tansi »
  • Susanne Goumegou (Universität Tübingen) : « le récit post-apocalyptique et l’enchevêtrement des temps »
  • Khadr Hamza (Sorbonne-Nouvelle) : sur la science-fiction en Afrique
  • Melissa Buecher-Nelson (Johannes-Gutenberg Universität, Mainz) : à propos de Rouge impératrice de Léonora Miano (2019)
  • Peter J. Maurits (Friedrich Alexander Universität, Erlangen-Nurnberg) : utopies et dystopies dans la science-fiction africaine
  • Francesca Cassinadri (Université de Strasbourg) : sur les fictions d’épidémies dans les futurs africains (Paul McAuley, Les Diables blancs, 2004 ; Deon Meyer, L’Année du lion, 2016 ; Namwali Serpell, The Old Drift, 2019)
  • Vittoria dell Aira (Université de Strasbourg) : sur les fictions du djihad dans les futurs africains (Jean Marc Ligny, Aqua, 1993 ; Deji Olukotun : After the Flare, 2017 ; Gavin Chait : Our Memory like Dust, 2017 ; Chait : Complainte pour ceux qui sont tombés, 2018).

 

[1] Felwine Sarr, Afrotopia, Paris, Philippe Rey, 2016 ; Joseph Tonda, Afrodystopie, Paris, Karthala, 2021.

[2] Jean-Loup Amselle, Rétrovolutions, essais sur les primitivismes contemporains, Paris, Stock, 2009 et Zygmunt Bauman, Retrotopia [2017], Paris, Premier Parallèle, traduit de l’anglais par Frédéric Joly, 2019.

[3] Jean-Paul Engélibert, Fabuler la fin du monde. La puissance critique des fictions d’apocalypse, Paris, La Découverte, 2019, p. 11.